Les animations poly-sensorielles transforment les espaces commerciaux en lieux de vie

Les attractions sensorielles, grandes oubliées des principes de Trujillo, entrent efficacement dans les rayons des hypers qui vendent leurs espaces commerciaux comme des lieux de vie.

Apporter un cachet sensoriel à une enseigne de distribution spécialisée impose une multiplication des impacts souvent poly-sensoriels ; certains de ces impacts sont de puissants stimulateurs mais d’autres peuvent restreindre la cible de clientèle de l’enseigne ou confinent à la pollution de l’environnement de consommation.

La mesure de l’impact est difficile à mettre en place, elle nécessite un croisement pointu des informations de trafic, de vente et de CRM. Les études croisées montrent que l’incidence est réelle surtout lorsque le magasin est en dessous d’un seuil de fréquentation qui permet d’attirer d’autres prospects. Mais la pertinence du merchandising sensoriel reste surtout mesurée par des études qualitatives.

Si le marketing sensoriel cherche à établir une autre relation entre le client et l’objet, l’objectif du merchandising sensoriel est de conditionner un prospect dans un environnement propice à l’achat, et contributif à son bien-être. La synergie entre l’univers représenté, les sons, les sensations et les couleurs est plus risquée que dans le marketing mais aussi plus efficace : le fashion ado a ses codes couleurs-lumière, ses codes musiques, ses codes odeur, et dans un registre différent le skateur a ses propres codes. De même, en électroménager blanc, les marques cherchent à différencier leurs produits par le son des boutons et les sensations tactiles de leurs appareils, le distributeur qui incite au toucher, y ajoute des odeurs de ‘frais’, de fleurs qui à l’ouverture rassurent le visiteur.

Le merchandising sensoriel s’applique dans des distributions aussi différentes que la cosmétique ou  l’automobile, l’alimentaire ( rayons poissonnerie, boulangerie notamment) ou l’aménagement de la maison; ces stratégies d’accompagnement poly-sensoriel visent à donner des impressions de qualité, d’authenticité, et à créer une relation intime entre le lieu, produit et le prospect. Puits de lumière, plantes sur fontaines et autres ambiances de marché forain méditerranéen ou asiatique, s’imposent jusque dans le métro : fatigueront ils les concepts poly-sensoriels, combinés à un positionnement régionaliste (L’Occitane), écolo (Nature & Découverte), montagne (Andaska),  ou bien se répandront ils pour redonner au point de vente son rôle de point d’accueil, lieu de plaisirs et de dépense. Mesurer l’efficacité du merchandising sensoriel, c’est d’abord savoir sur quelle attitude il pèse.

L’ambiance sonore et le merchandising sensoriel (avec l’odeur pour le sensoriel d’approche, et les touchers, gouts pour le sensoriel d’immédiate proximité ) ont été un des principes et une des clés de la réussite de Boucicaut. Le merchandising visuel est celui qui se transporte le mieux, visible de loin, mais surtout transporté dans et hors lieux de vente grâce aux packagings valorisants qui portent couleurs, logos et typographies de l’enseigne. Même le sac Tati a connu ses heures de gloire bobo. Cette identité, le client doit être fier de la transporter et la densité du rappel de la marque de l’enseigne, via l’emballage de transport, va être d’autant plus élevée que l’emballage va être réutilisé. D’où l’intérêt que les couleurs identitaires de l’enseigne, soient reprises tout au long de la chaine marketing, et si en plus, les couleurs peuvent correspondre à une ambiance interne propice au conditionnement du prospect, la synergie sera complète. Complète mais dangereuse, car l’identité colorée interne, trop présente écrase le produit lui-même surtout lorsqu’elle est ton sur ton avec le produit. Pour éviter cet écrasement, la proportion de couleur secondaire pleine est souvent conventionnellement limitée à 15% des surfaces pour respecter la devise de Trujillo : « le décor c’est le produit ».

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Les mesures de l’impact couleur, reposent sur l’évolution du taux de notoriété rappelé ( packaging ), le taux de prospects/chalands lors des périodes de faible fréquentation, l’évolution des ventes des couleurs-produits, l’évolution des CSP clientes, le nombre de SAV qui revient avec le packaging etc.

Trois points de vente sur quatre des enseignes modernes ont recours à une animation sonore. Celle-ci peut être agressive (Courir, Pimkie, Adidas, Brice, Célio, Kookaï, Andaska…) ou, au contraire, contribuer à un sentiment de tranquillité (Nature & découverte, Natura Brasil, Bonpoint…), en accord avec le positionnement de l’enseigne. Les grandes enseignes spécialisées de New York sont beaucoup plus friandes de ces animations sonores que leurs homologues européennes, ambiances sonores qui font partie de leur identité. L’intensité sonore est plus ou moins forte suivant les zones, mais dans le textile ce sont les zones d’essayage qui sont les plus animées. La musique est indispensable pour combler une sensation de silence dans un magasin peu fréquenté car le silence intimide et dérange les prospects solitaires, c’est suivant ce même objet, combler la solitude, que sont traitées les zones d’essayage. Trop typée ou trop présente, l’ambiance musicale attire et détourne des segments de clientèle, trop universelle elle confine à l’ambiance hyper-marché. La segmentation sonore est très diverse : chez Nature et Découverte les ambiances de cascades d’eau et de forêts permettent de vendre 4 fois plus cher le même encens qu’à la SIA ( ou 3 fois le prix de CASA ), les musiques love génération dans les boutiques textiles trans-générationnelles, et le Rap dans les game store.

Les mesures déterminantes sur l’effet sensoriel de l’animation sonore, sont évidemment l’évolution des CSP de la clientèle, et surtout spécifiquement l’évolution de la vitesse de renouvellement de l’achat ou la visite, pour la clientèle qui a acheté des « petits produits » lors de ces périodes de basse fréquentation dans les consommations oblatives ou hédonistes hors basiques et outsiders (voir category management).

Les conventions olfactives sont acquises par les enfants dès leur plus jeune âge. L’émotion créée par une odeur est forte et immédiate. Le mécanisme de l’odorat sollicite dans le cerveau la zone la plus proche de celle qui déclenche le plaisir. L’odeur de couverture d’une odeur déplaisante, type AirWick toilettes est à prohiber, il faut d’abord supprimer les odeurs rebelles qui viennent de la rue, du mail ou de l’intérieur. Utilisée largement dans les commerces alimentaires ( pain chaud, cuisson de gâteau – bien que prohibée – ) et encore plus au Royaume Uni, elle est beaucoup employée pour une attraction périmétrique ( voir animation du concept ). Toute ambiance olfactive réussie doit s’accompagner d’une identité d’enseigne forte, car si la mémoire olfactive est un puissant rappel, elle n’est pas distinctive d’une enseigne, c’est donc dans son immédiate proximité qu’elle associe la qualité d’un vécu avec l’enseigne. Les études montrent que les consommateurs passent en moyenne 16% de temps en plus sur les points de vente ou l’ambiance olfactive est étudiée.

Dans le textile, la persistance de l’odeur sur les vêtements exposés est crainte par les acheteurs, c’est souvent ce qui explique que l’ambiance olfactive reste à l’extérieur du point de vente. On trouvera ainsi seulement des odeurs douces dans les enseignes textiles, à l’exemple du parfum de thé et de pamplemousse diffusé chez Caroll. A l’opposé après l’encens/patchouli de Pier Import, Nature et Découverte travaille sur des ambiances multiples ( suivant la période de l’année ou de la journée) légères entre la vanille, le thé vert et les odeurs lourdes du cèdre (image de la marque). La mesure du temps passé et de la fréquence de passage sont des indicateurs d’une ambiance réussie.

Le toucher et le goût doivent pouvoir se satisfaire, à contrario encore plus dans une enseigne à vitrines fermées. La pratique du goût et du toucher ne sont pas forcement associé à l’objet convoité, mais à la visite de l’enseigne. Suivant le risque pour la nature de l’activité (un prospect ne risque pas de tacher un bijou avec une tasse de café ou de thé)  à des moments de faible fréquentation, l’implication des autres sens non sollicités est importante dans la démarche relationnelle. L’investissement poly-sensoriel pré achat se fait dans les plus grandes chaines y compris LVMH pour redonner au visiteur le plaisir de consommer son temps dans un lieu de vie. Oublier de participer à cet investissement,  se mesure par la perte de fréquentation en période de faible affluence, et par le constat d’une équi-répartition des valeurs de vente entre les périodes de faible et de forte affluence ( à l’opposé d’une démarche cocooning réussie ).

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