Construire un assortiment : référencer son offre produit potentielle

La constitution d’une offre produit permet à une enseigne de générer son chiffre d’affaires et sa valeur ajoutée, en réalisant les conditions propices d’un échange avec le consommateur.

Entre une distribution de période de pénurie, au cours de laquelle la présence physique du produit attendu, dans une proximité relative constituait le métier de la distribution-répartition ( satisfaire au nécessaire ), et une distribution de période d’opulence sans innovation, au cours de laquelle la variation de prix deviendrait le seul constituant de différenciation d’une offre totalement mature, s’inscrit le véritable métier de la constitution de l’offre de distribution.

Au-delà du chiffre et de la valeur ajoutée, l’offre doit contribuer au capital de l’enseigne : son attraction, et sa clientèle. Les acheteurs sont donc au cœur du fonctionnement de l’enseigne.

La fonction achat est la fille ainée de l’enseigne de distribution et de ses fondateurs. Lorsque le temps de sortir de la relation fusionnelle, arrive avec le besoin de pérennisation de l’enseigne, il faut pouvoir rétablir l’efficacité et la confiance des circuits courts de la décision entre management et achats. La séparation de la fonction et du créateur marque souvent l’inflexion de la croissance d’une enseigne ; extraire une équipe d’achat avec ‘une démarche qui rende démontrable et opposable ses choix tout en gardant intuition et création est donc indispensable à l’osmose furure. Méthodes et consulting sont les plus sûrs moyens de structurer l’offre produit et son corollaire sa mise en scène ( assemblage, présentation, facing ) en relation avec la mission vocation de l’enseigne.

La proportion des interventions de « restructuring » qui passent par des opérations d’études de l’offre, du positionnement, des conditions d’achat et du sourcing (1) couteuses et réalisées par des généralistes du conseil, démontre combien l’approche ‘offre’ souffre d’une absence de méthode et d’outils de mesure de l’efficacité attendue.

Une méthodologie de constitution de l’offre pourrait suivre la démarche

ci-dessous :

Première Phase, la segmentation du marché en univers de consommation, usages et usagers :  généralement 7 niveaux primaires imbriqués ( secteur, rayon, sous rayon, famille sous famille, segment sous segment…)  et des niveaux secondaires ( ex tailles, couleurs, conditionnement, packaging  ) permettent de définir une stratégie d’occupation des univers de consommation de son activité, en fonction de la clientèle cible de son enseigne.

Usagesoft

Chaque produit potentiellement offert à la consommation doit être attribué suivant ces univers-segments de consommation. C’est le pôle de référencement de l’entreprise qui, avec l’aide des fournisseurs, segmente l’offre. La segmentation est atemporelle, elle ne peut donc s’appuyer sur des notions de prix ou de collections, ni même de management catégoriel que l’on retrouvera dans d’autres définitions d’ensembles auxquels seront rattachés les produits.

Chaque segment est quantifié en fonction de la consommation globale des zones de chalandise et de sa cible de clientèle. L’offre sera disposée pour couvrir les segments de marché et la répartition de l’offre suivant les segments donnera des informations sur la largeur ou la profondeur potentiellement déployables et sur le recouvrement par de l’offre des parts de marché. Cette phase ne concerne que la segmentation atemporelle des marchés, elle ne peut être occultée par les segmentations temporelles, collections, gammes, images, prix, bundle..,

 

La phase suivante est issue des principes de Boucicaut : « composer un assortiment de libre-service c’est savoir mélanger les produits qui se vendent à ceux qui font vendre ».

L’assortiment d’un magasin, où les produits sont exposés à la convoitise du prospect, ne comprend pas que des produits destinés à être vendus ! Tous les produits présentés ne vont pas occuper un facing proportionnel à leur volume de vente potentiel !

Cet illogisme apparent est expliqué par la théorie du besoin de stimulation, étudiée en psychologie et en marketing : chaque individu est caractérisé par un niveau optimum d’excitation auquel il cherche en permanence à se situer.

C’est l’incongruité ou dissonance, la nouveauté, l’ambiguïté, le caractère surprenant émanant d’un produit, qui créent l’excitation ; surtout si cette dissonance jugée ‘positivement’ entre en conflit avec les croyances, attitudes ou normes cognitives de l’individu (Roehrich,1993), parmi ces valeurs la représentativité attendue d’un produit dans un assortiment segmenté.

Ainsi, en cas d’ennui parce que son environnement ne lui procure pas assez de stimuli excitants, l’individu recherchera l’incongruité. C’est pourquoi, l’exposition à un produit incongru dans un ensemble de produits attendus, augmente la volonté de l’essayer (Tuorila., 1998) ou si l’excitation dépasse le niveau optimum, cette incongruité ou dissonance positive conduira à se reporter sur le produit qui ramènera au niveau maximal de bien être. D’où l’utilité dans une stratégie de présentation, de prévoir une mixité des propositions avec les animations et incongruités utiles à sortir de la stricte exposition de best of.

Appliquer l’optimum de Pareto distributeur – consommateur sur l’assortiment à présenter, aurait pour conséquence de ne prendre en compte que les situations de nécessité : l’achat par nécessité réduit le rôle du distributeur à celui de répartiteur garant du non gaspillage – à l’extrême la distribution de la bouteille de lait avec une queue de rationnement constitue un optimum au sens de Pareto. L’équipe d’achat répartit son offre potentielle dans chaque ensemble dans chaque anneau : cette répartition implique un positionnement concurrentiel, des calculs de prix de revient complet d’un produit vendu et un positionnement sur l’échelle de prix de vente.

 

La Phase 3 consiste à positionner chaque produit sur un plan retraçant des ensembles de comportements de consommation (mapping).

Le mapping est défini par les ensembles intersection entre une cible de consommateurs, un univers de consommation  ( défini dans la phase 1) et un comportement d’achat.

De chaque axe comportemental  ( on dépense par Nécessité, Besoin ,Envie , Pulsion pour dépenser mieux, acheter, posséder, se marquer ( se démarquer ), utiliser, consommer, en se contraignant, se grisant, se méfiant, chinant, déambulant, s’imaginant, construisant, calculant, s’occupant (2)  ) sont extraits sur le marché cible, des ensembles de comportements d’achats délimités et quantifiés. Les ensembles obtenus sont souvent trop fins pour être exploités tous les jours, mais rapidement la mission vocation de l’enseigne va éliminer des ensembles pour les agglomérer sous une future dénomination de sur-ensemble de management catégoriel.

Exemple : dans une consommation besoin équipement de la personne, le ‘pour dépenser mieux’ ( l’affaire/promotion ou Bargain ) concerne plus de la moitié des françaises  60% des méfiantes ,  53% des réfléchies/constructrices, 51 % des contraintes , 47 % des calculatrices ,  44 % des chineuses  et seulement 25 % des déambulatrices ou des oisives. Ou bien dans les comportements envie dans la consommation ‘horlogère’ on peut sous-segmenter ( Joannis)  les motivations hédonistes ( plaisir personnel ) 55% , oblatives ( cadeau ) 28%  et auto-expressives  (affirmation d’appartenance) 17%.

Il est facilement observable que suivant le secteur de marché visé, il existera un décalage dans l’appréciation de ce qui sera besoin ou envie, possession ou utilisation, chinage ou contrainte. D’ou l’expression d’une relativité dans le mapping suivant la largeur du marché visé : une enseigne spécialisée décalera ses référents par rapport à une enseigne généraliste incorporant un secteur identique.

Chaque produit doit être disposé dans un ensemble de cette carte. La marque peut aider mais ne constitue pas globalement un critère d’appartenance. Sans rôle le produit n’appartient pas au portefeuille même s’il présente une dissonance au titre de la phase 2. Le mapping va entraîner un élagage de l’offre et préparer le service achat à s’insérer dans une démarche de ‘Category Management’, dans laquelle il sera force de proposition des produits.

 

(1) Pour reprendre les termes d’un confrère d’ Ernst & Young

(2) L’AACC classifie les françaises en Contraintes(23%), Distantes méfiantes (21%) , Sereines imaginatives, occupation ,constructrices  (21%), méticuleuses calculant , déambulant  (18%) , butineuses grisant, chinant, occupant (17%)

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